Concentré sur ses aliments, le vieil homme ne fait pas attention aux autres, réfléchissant déjà au délice qu’il pourrait préparer aux juges. Une petite voix vient le tirer de ses pensées.
Séraphine.
Séraphine et une tortue. Au moins cette bestiole là était-elle morte contrairement à son homard géant. Un grand sourire vient franchir ses lèvres alors qu’il inspecte le panier de sa fille. « C’est parfait parfait ! Du miel ? Hm on partira sur du sucré-salé j’imagine. » Il se frotte la barbe, entièrement dans sa réflexion. A la voir observer la pauvre tortue comme si elle n’en avait jamais vu, Rosario avait apparemment bien plus de soucis à se faire. « Dis-moi… tu sais cuisiner au moins ? » Intense remord que de se dire qu'il connaissait à peine sa propre fille. Ah il devra définitivement la ramener dans sa pâtisserie, lui apprendre à malaxer la pâte, jeter la farine ! Mais pas le temps d’en dire plus, un petit cri bien viril lui échappe. Et à son doigt, l’audacieux homard bien accroché. Le pâtissier jure haut et fort, secoue sa main dans tous les sens mais sans succès. Il ne lui reste plus qu’à arracher la pince de sa force de hyène, non sans un énième couinement de douleur. « Oh bordel quelle sale bête ! » Il la fusille de regard, cruelle chose toute rouge qui semble le narguer.

Mais c’est déjà la deuxième étape : la cuisine.
Bien impatient, Rosario se précipite sur un four high-tech ainsi qu’un mixeur. Bien, cela fera l’affaire. Bien fière de lui, il s’empresse de compter ses idées de cuisine à l’ange à ses côtés.
« Avec tout ce qu’on a pris, impossible de tout mélanger dans un seul plat, il va nous en falloir au moins deux… pourquoi pas un plat et une entrée ? » Tout agité, le vieillard finit par se parler à lui-même, ruminant dans sa barbe de vieilles recettes ancestrales censées redonner jeunesse et vitalité.
Finalement, une idée lui vient. « Pourquoi pas un tartare de poisson fluorescent ? Sur des tartines de pains campagnard ça sera un délice ! Avec le miel et les pommes, on partira sur une petite touche sucrée pour l’entrée, qu’est-ce que t’en dis ? »
Tout fière, il tant les aliments cités à Séraphine, sans oublié les patates roses pour colorer le tout ainsi que les nombreuses épices. « T’as qu’à t’occuper de ça et te coupes pas ! J’vais tenter quelque chose avec la tortue et cette saleté de homard... »
Un coup d’œil légèrement méfiant, il espère que sa fille sache au moins ce qu’était un tartare. Mais il n’a pas le temps de tout faire et c’est après tout un travail d’équipe.
Le voilà donc enfin prêt, son tablier noué et les mains bien lavés, occupé à vider la tortue sous les conseils du juge du Désert. L’envie de gagner le pousse pour l’instant à respecter les dires du jury, délaissant sa soudaine envie de s’improviser maitre du piment. Il vide la tortue, mixe la chair avec les crevettes roses, des oignons, de l’ail, un peu de piment 'Bhut Jolokia', sel, poivre et les champignons enokis avec en tête l’idée d’en faire une farce, probablement pour le homard.

Il lève la tête, l’envie de voir chahuter un peu tout se beau monde lui arrache un grand et sournois sourire. Il active son cristal de discorde, visant un des deux autres binômes au hasard. Oh cruelle hyène qui ne veut là qu’un peu de chaos pour satisfaire son égo.




hrp : Rosario propose à Séraphine de faire une entrée à base de tartare et lui demande de s'en occuper tandis que lui, vide la tortue pour mixer le tout avec des crevettes, des champignons et quelques autres aliments dans l'idée dans faire une farce. Et pour le homard... on verra bien !
Il balance une petite vague de discorde sur un des deux autres binômes parce que c'est fun et qu'il commence à s'ennuyer le vieux.
Il a choppé un four et un mixeur.

Mes doigts tremblaient d'impatience, comme si un courant électrique parcourait mon corps. Mon intellect me dirigeait vers plusieurs possibilités de sabotage, mais ce ne fut pas nécessaire de songer à les utiliser vu que mon ingrédient complice s’échappa du panier afin d’attaquer mes ennemis.
"Parfait, un bon choix d'ingrédients."
Un cri plus grave que mon invention de merguez explosives venant de Rosario, le pâtissier à éliminer, attira mon attention.
“Amateurs.” Fut ma conclusion sur la situation des concurrents voisins. Puis je ramassai juste une partie des larves pour commencer à concocter mon arme contre les juges, le reste s’occupera de distraire la compétition.

Un petit regard vers Athena me fit comprendre qu'interférer avec son gâteau ne serait pas possible, sa concentration avait dépassé les limites d’une simple cuisinière de seconde zone. Je ne pouvais pas perdre en termes de concentration, mais ce sentiment de rivalité était ma faiblesse. Je rentrai immédiatement dans une transe qui dura cinq minutes, temps suffisant pour former une merguez avec tout le riz qui était à ma disposition avant de revenir à mes esprits.
“C’est plus fort que moi… Si je veux perdre, il faut que je me libère de mes instincts !”
Je pris quelques minutes pour respirer et me remettre au travail.

Il fallait tout d’abord cacher la couleur des larves pour ne pas gâcher la surprise avant de l’ingérer. Je fis chauffer un peu d’huile de sésame dans une poêle ainsi qu’un peu de miel pour déposer les larves et les faire caraméliser à feu doux pendant dix minutes.
Ce n’était pas la première fois que je cuisinais des larves, j’étais même devenu un expert pour les merguez d’insectes. Mais n’importe quel cuisinier avec un minimum de connaissances culinaires saurait que si on retire ces éléments de leur contexte merguezien ils ne reste rien que de dégoûtantes pièces détachées sans le délicieux mécanisme principal, et cela va pour tout ingrédient existant, pas que les insectes.

Je ne portais pas attention aux étranges petits chocs que je sentais en manipulant la poêle, je remplaçai les larves par l’amalgame de champignons (coupés pendant la cuisson des larves) sans trop de problème. Mais lorsque je fis cuire le riz dans une casserole pleine d’eau, une immense décharge parcourut mon corps, me laissant immédiatement à terre.
Quelques minutes de blanc, quelques autres de noir, puis le plafond.
La situation était claire, on essayait de me saboter.
“C’était pourtant la tournure la plus évidente, comment n’y ai-je pas pensé avant ?”

Je me relevai, je pris les larves “crues” qu’il me restait et je les lançai aux concurrents les plus proches.

“Vous n’avez aucun sens de l’honneur, espèces d’excuses de cuisiniers !”

Puis j’enchainai les actions, égoutter le riz, faire revenir une partie avec les champignons pendant trois minutes, prendre mon pain campagnard et me diriger vers le four qu’Athena venait de finir d’utiliser pour son gâteau, tout en faisant un clin d’oeil vers la caméra bien sûr.

Rosario ne peut s’empêcher de jeter quelques coups d’œil à Séraphine, protecteur.  Car il ne manquerait plus que celle-ci se coupe un doigt et qu’il soit forcé de jouer au SuperPapa, ce qu’il était bien loin d’être. Rassuré de la voir couper les pommes, il lui suffit de quelques minutes d’inattention pour que le malheur arrive.
Le pain
dans le frigo.
Le vieillard ne peut s’empêcher de fixer sa fille avec une consternation manifeste. Si celle-ci avait un tant soit peu de ses gènes, n’aurait-elle pas du brûler les pauvres tranches plutôt que de les congeler ? Il avait décidemment raté quelque chose dans la conception de cette petite chose blonde, ou peut-être ressemblait-elle bien plus à sa mère qu’il ne l’avait d’abord pensé. Il secoue la tête, résigné, sortant le pauvre pain campagnard du mini-frigo, presque avec cérémonie.
« Séraphine, ça, ça ne va pas là. » Il est calme, n’ayant aucune envie de lui faire recouper des tranches de pains et morceaux de pommes (en restait-il d’ailleurs ?). Alors l’entrée ratée restera ratée. Néanmoins, la hyène se promit silencieusement de dévorer quiconque oserait l’avouer, jury ou non.
Le plat était préparé avec amour et détermination, et tant pis si rien n’était mangeable.
Alors il hoche la tête en souriant, tapotant la tête de l’ange à ses côtés dans un signe d’encouragement et de satisfaction malgré le pain maintenant totalement fichu. Et finalement, peu lui importait qu’elle arrache les écailles de ses ongles ou de ses dents.
Une technique comme une autre.

De nouveau concentré sur son propre plat, il se décide enfin à s’occuper du homard géant, l’ouvrant en deux dans le sens de la longueur, pour ensuite lui arracher énergiquement les entrailles (ou tout ce qui avait en tout cas l’air de ne pas se manger), d’étranges choses gluantes venant tacher son tablier, le plan de travail et peut-être un peu séraphine. Ah les joies de la cuisine ! Il s’en fou, assez fier de lui. N’ayant jamais cuisiné de homard de sa vie, il improvise un peu. La bête est placée dans un grand plat, il n’oublie pas l’ail, un peu de piment, le sel et le poivre et enfourne tout ça au four à 230°C avec l’idée de le faire cuire une dizaine de minute.
Dans une poêle, il mélange lait de coco, feuilles de palmiers, du paneer, du piment trinidad scorpion butch t, du matcha en poudre, clou de girofle et coriandre, oignons, asperges préalablement coupées en lamelles et riz noir avec assez d’eau pour en faire un risotto totalement inventé. Il fait revenir le tout une bonne vingtaine de minutes.

Totalement concentré jusqu’à en avoir légèrement oublié Séraphine et ses tartines de tartare, une légère odeur de brûlé finit par lui chatouiller le nez.
Grimace, froncement de sourcil perplexe. De grands yeux qui s’ouvrent en se rappelant son homard au four. « Oh merde merde merde. »
La porte précipitamment ouverte (sans gant, le voilà qui couine de douleur et secoue la main en s’insultant lui-même) permet à une épaisse fumée noire de les étouffer un peu.

Toussotements, il ne peut s’empêcher de s’expliquer en ricanant un peu. « T’inquiète pas Séraphine tout est sous contrôle ! C’est un… homard-bien-cuit façon Incas !! »
Bien, au moins était-il certain que ce foutu homard était bel et bien mort. Battant des mains pour évacuer la fumée et respirer un peu mieux, la vieille hyène finit par attraper un gant, sortir son plat du four et acquiescer de contentement (non sans grimacer un peu) devant le homard beaucoup plus noir que prévu. « Ah parfait, parfait. Tu vois, c’est exactement comme dans la recette. Une jolie couleur pour tromper l’ennemi, je suis sûre que la chair est bien tendre à l’intérieur ! »  Un air fier, peu inquiet d’avoir en réalité totalement raté son plat. Personne ne le remarquerait n’est-ce pas ? Le Jury ne verrait après tout rien s’il recouvrait tout ça de sauce. Et parfumait un peu son plat pour en masquer l’odeur.

Tout était sous contrôle, ne restait plus que le dressage.
La farce aux champignons enoki est grossièrement insérée dans le homard ouvert en deux. Dans une assiette, le homard vient prendre place à côté du risotto noir aux asperges et lait de coco. Le reste de la sauce vient délicatement recouvrir le crustacé, avec l’espoir d’en masquer un peu la couleur charbon.
Il est maintenant temps pour eux de présenter leur plat. Laissant Séraphine se chargé de l’entrée, il montre fièrement sa grande assiette et bombe le torse, improvisant totalement son texte.
« Bonjour bonjour, ma fille et moi somme très fier de vous présenter notre plat principal : Le homard-pas-cramé farcie aux champignons sur son lit de risotto d’asperges et velouté de coco. Le homard a été cuit selon une recette Incas ancestrale que nombreux pensaient disparues ! Soyez honoré cher Jury, de pouvoir y gouter ! »
Avec ça, il pensait sincèrement pouvoir gagner.





hrp : Rosa est consterné que sa fille congèle des trucs au lieu de les faire brûler. Mais finalement il laisse ça comme ça sans réparer les erreurs, parce que c'est fait avec amour et que l'amour c'est l'ultime pouvoir contre les forces du mal. Il prépare un risotto d'asperge (et autres) avec le lait de coco et le riz noir et fait sans faire exprès cramé le homard ou four après l'avoir oublié là. Bon, il fait genre c'est fait exprès parce que ça serait con que séraphine se rende compte que son père est un véritable looser.
Du coup, ça devient une recette ancestrale incas.
DU COUP LE DESSIN :

HOMARD: