— dear dictator

Obnubilé par le terrifiant spectacle de cette belle femme en train de caillasser le garde, Gégé en oublie totalement la pauvre Margot et sursaute en réalisant que la furieuse s'accroche à lui en l'appelant maman. À moins qu'elle ne parle à une figure invisible ? Dans les deux cas, le fermier n'est pas rassuré. Mais il n'a pas le temps de se poser de questions et préfère tirer vers lui l'inconnue pour l'entrainer dans sa course plutôt que de lutter pour s'en débarrasser.

Le désormais trio suit la foule mais une vague bien plus gigantesque que la colère du peuple les balaye et les ramène en arrière. Soucieux de ne pas couler avec les deux femmes, Gégé les lâche et fait de son mieux pour ne pas boire la tasse (en vain). Il parvient néanmoins à rester à leurs côtés et c'est déjà une maigre victoire de savoir qu'ils sont tous en un seul morceau même si tout trempés. Il n'a toutefois pas le temps de souffler que Fred, le présumé leader de la révolution, leur tombe dessus et enrage en réalisant qu'ils ont failli à délivrer sa soeur. Gégé comprend mais il ne peut s'empêcher de souffler par le nez en répliquant :

▬ Vous êtes bien parti en trombe sans un regard pour votre soeur que je sache.

Ce n'est pas son genre de répondre mais lui a été frère et lui n'aurait jamais laissé son sang en arrière.

C'est en essorant les pans de sa chemise qu'il tourne le dos à ce grossier personnage et à son flot d'insultes, pensant naïvement qu'il va pouvoir rentrer chez lui et se laver les mains de tout ce bordel. C'est sans compter Espérance qui l'interpelle lui et l'inconnue, comme s'ils comptaient toujours l'aider à rentrer dans le château. Mais elle le dit si naturellement que Gégé a un soupçon d'hésitation : il ne peut pas rentrer comme ça les poings dans les poches si ? Il a bien fait tout le chemin des Sylvestres jusqu'ici pour obtenir des réponses. Et puis du coup s'il arrive quoi que ce soit à la journaliste et à l'autre ce serait de sa faute... Oh devoir prendre une décision l'angoisse, il se frotte l'arrière de la nuque, les traits renfrognés comme atteint par une migraine soudaine.  

▬ Hmmm bon, je suppose qu'on ne peut pas laisser ce barbare faire n'importe quoi au château. Au pire... j'ai un cristal de pacifisme. Finit-il par lâcher avec un air contraint avant de suivre Espérance. Non vraiment, c'est trop tard pour reculer. Il réalise soudainement qu'il ne connait toujours pas le nom de sa dernière compagne d'infortune : Ah au fait je ne me suis pas présenté. Je suis Gégé. Tant qu'à faire, il introduit également la journaliste : Et voici Espérance.

Dans d'autres circonstances, il aurait pu ajouter un « ravi de vous rencontrer » mais le coeur n'y est pas.

— dear dictator

C'est donc parti pour les égouts. Gégé a grande hâte de se présenter devant le roi dégoulinant de la tête aux pieds et sentant le fumet d'ordures et de rat crevé.

▬ Ah oui la pub, bien sûr suis-je bête... Répond-il un peu penaud, un peu déstabilisé par l'aplomb de Calliopée. C'est sans doute une réelle vedette mais lui n'a pas la télé et à vrai dire ne consomme que très peu de contenu audiovisuel althéens (que de vieilles séries pré-Kamikakushi et peut-être quelques chaines YouThea obscures). Tâchons de faire bonne équipe ! Qu'il rajoute quand même pour essayer d'égayer un peu l'ambiance et de ne pas se laisser abattre par la façon dont les événements le dépassent.

Alors que le groupe s'enfonce sous terre, Fred semble déjà avoir oublié sa frangine. Il est tout content de se promener dans les eaux usagées et offre même des bonbons ce que Gégé trouve parfaitement, absolument suspect. Sa mère lui a toujours dit de ne pas accepter de friandises de la part d'étrangers et ce n'est pas parce qu'il a trente ans passés et que sa mère est morte qu'il ne va pas l'écouter. Aussi ne fait-il même pas mine de regarder les caramels, se contentant de grimacer lorsqu'une soudaine migraine l'assaille pile au moment où Fred pose une question. Pas de doute, le gars utilise un cristal sur eux !

▬ Je ne suis pas là pour défoncer qui que ce soit, je suis là pour avoir des réponses et je vous prierai de retirer tout de suite ce cristal de ma tête ! Qu'il réplique à la suite d'Espérance avec un regard tout autant outré que son intonation.

Et là ça devient vraiment n'importe quoi : au sol il y a des billets de 500 caerus sur lesquels Fred se jette. Tu parles d'un révolutionnaire : l'appât du gain ça prime bien plus que les inquiétudes fraternelles ou les envies de changement.

▬ C'est clairement un traquenard, n'y touchez pas et allons dans l'autre direction. Conclue-t-il à voix haute avant de s'avancer dans le tunnel de droite. Après Perdition et le manoir hanté, Gégé croit s'y connaitre en matière de supercheries.

— dear dictator

Décidément c'est vraiment le ponpon sur la cerise du gâteau ou que sais-je encore, Gégé en perd son latin : il n'a pas survécu à Perdition, à la cérémonie d'adieu et au manoir de Célestia pour... pour ça ! Ce guignol de Fred ne mérite même pas le regard pas content du caerien, si vous savez le regard qu'il réserve pour les plus grosses bêtises de ses toutous. Le fermier continue à avancer dans un mutisme des plus complets et choisit de se concentrer sur ses pas pour éviter d'écraser un rat mort ou de glisser sur un détritus. Ça lui évite d'avoir à écouter Fred et surtout de penser à ce que vient de sortir Calliopée sur sa maladie. Parce que les gens malades ça le rend triste et Calliopée n'est surement pas le genre de femmes qui aime qu'on soit triste pour elle.

Mais le cirque ne s'arrête jamais vraiment pas vrai ? Ce guignol de Fred continue à brailler en ramassant les billets, leur propriétaire (présumé) les prend alors en grippe et le plan du jacobin en carton c'est de... de se changer en femme ? Et de l'appeler Jerry ? Gégé n'a pas la référence, peut-être une allusion à Tom et Jerry ? Lui se sent plus Tom que Jerry, à se manger des râteaux dans la figure à chaque pas devant lui. Tiens d'ailleurs en parlant de mal de tête, voilà qu'il se prend une nouvelle migraine des familles, suivie d'un cafard en pleine gueule, puis d'une bulle dure comme une brique dans l'estomac.

Alors excusez-moi pour le langage mais on peut dire que Gégé passe vraiment une journée de merde.

▬ Ah non mais maintenant ça suffit les conneries ! Gronde-t-il alors de sa grosse voix de daron qu'il n'est pas en se redressant et en retirant l'insecte répugnant (mais qui ne mérite tout de même pas d'être utilisé comme projectile) venu se réfugier dans ses bouclettes.

Le cristal de pacifisme s'active alors à pleine puissance : il cherche l'assaillant, se plante dans son regard et le pouvoir se jette sur la proie comme un animal enragé, s'écrase comme un boulet de canon loin, loin dans la cervelle où il y mange toute trace d'animosité et ne laisse derrière lui qu'une vague torpeur tranquille.

▬ Fred ! Vous rendez l'argent tout de suite ! On est là pour chercher Alexander pas pour voler les gens bordel ! Gorgé de la colère de l'étranger, Gégé sent sa patience imploser. Il revient d'ailleurs rapidement sur ses mots, l'esprit embrumé d'envies primales et d'un mal de tête abominable. Non attendez, d'abord c'est quoi ce fric ? D'où ça vient ? Et vous êtes qui ?

Parce qu'on ne se promène pas dans les égouts avec des coupures de 500. Serait-ce un voleur ? Un petit malin qui profite du chaos ambiant pour se remplir les poches ? Oh l'idée l'irrite. Les gens comme ça ne valent pas plus que les cafards sous leurs pieds. L'américain repose d'ailleurs la bestiole au sol. Les cafards sont des êtres vivants aussi. Mais avec les cafards il n'a pas besoin d'aspirine non plus.