Le retour de Tatsuya t'avait fait lever de ton siège, comme alarmée par un pressentiment morbide. Ce n'était pas normal, il ne pouvait pas être de retour que ce ne soit pour une raison gravissime. Le coeur battant la chamade, et une main sur le manche de ton épée, les cris stridents des créatures poursuivant les survivants de la remontée t'avaient arraché des frissons. Tu avais été préparé pour tout, excepté pour ça. Mais tu avais été préparé, c'était tout ce qui comptait désormais.

Tu avais sorti ton épée, et tu l'avais enflammé d'un passage de la main le long de la lame avant même qu'Alexander ne t'interpelle. L'intonation grave, tu crias à son intention :

— « Compris ! »   Et à l'adresse de ceux qui s'agglutinaient déjà démunis devant le carré VIP, tu leur hurla. « EVACUEZ ! EVACUEZ LE PLUS VITE POSSIBLE, NE RESTEZ PAS DANS LE CHEMIN ! »  

Tu cherchas d'un regard écrasant la silhouette d'Eirik dans la foule. A vous deux déjà, vous pourriez vous occuper du menu fretin rapidement.
Du moins, c'est ce que tu espérais pour l'instant : gagner du temps pour que les plus faibles puissent se mettre à l'abris et qu'Alexander et Tatsuya se préparent à s'unir afin de terminer les plus résistants.

— « Eirik ! Nous allons devoir nous unir. Avec ta précision et notre feu, nous allons pouvoir tenir en première ligne. Mes autres cristaux sont inutiles face à ces créatures ! »  

Hormis peut-être la régénération, s'ils te blessaient.
Les flammes grimpèrent autour de quelques créatures pour les isoler du reste du groupe et ainsi, tu t'élanças pour tenter de les transpercer de ton épée, suivie de plusieurs soldats prêts à achever les créatures qui s'avanceraient.

Ils se sont complètement détournés de la solennité de l’Ascension alors même qu’ils pressentaient un désastre, et bien évidemment, ce ne sont pas des vivats enthousiastes qui les rappellent à la cérémonie mais un raz-de-marée de hurlements épouvantables, de sanglots de douleur et de désespoir, obscènement entrecoupés de cris gutturaux qui n’ont rien d’humain. Gavrila sent son cœur éclater et le sang quitter ses joues en apercevant une vomissure d’abominations jaillir de la tour, éventrant l’estrade et recouvrant sans ménagement les convives pris au dépourvu, la plus grande d’entre elles fauchant déjà plusieurs vies d’un simple revers de bras. Un juron stupéfait lui échappe. Il s’était attendu à une catastrophe, oui, mais pas d’une telle ampleur. « Essaie de ne pas te faire bouffer ! » s’exclame-t-il à l’attention d’Hee-Jun lorsque celui-ci s’éloigne pour aider à l’évacuation, ravalant dans une ultime bravade l’inquiétude qui lui noue les entrailles. Il jette un dernier regard vers les affrontements qui font rage autour de la plus grosse bête flanquée de ses répliques miniatures et ne peut s’empêcher de songer à l’immense sanglier de Perdition ; mais il ne peut pas se laisser distraire davantage par le chaos de sable qu’elle soulève de ses bras et par le dysfonctionnement funeste de la technologie : déjà, les blessés affluent, et tout indique que Tatsuya, ce sombre abruti, n’a pas jugé bon de prévoir la moindre assistance médicale. Pour quoi faire, après tout ? Une cérémonie rassemblant des millions de personnes au beau milieu du désert, dans la perspective d’une ascension hasardeuse, vraiment, qu’est-ce qui aurait pu mal tourner ? Gavrila est furieux, mais le temps que d’hypothétiques renforts arrivent, ils devront bien faire avec leurs maigres moyens – et leurs ressources magiques limitées.

Alors, suivant les directives d’Alexander – et quelle douleur c’est pour lui ! –, il se place sur le côté, en retrait, avec les autres soigneurs qui se sont portés volontaires, non sans solliciter ceux qui semblent disposés à faciliter l’évacuation : « Apportez toutes les tables à disposition et tout tissu qui ne soit pas trop souillé pour les garrots ! » Tant pis pour le buffet, parce que les tapis, c’est bien joli, mais le sable risque de jouer contre eux s’ils doivent soigner des blessés graves. Il lève les yeux vers le signal lumineux produit par Hee-Jun, et s’il ne se permet aucun soupir de soulagement pour l’instant, il espère du moins que les convives s’y montreront attentifs et que la défense de fortune composée par les dons offensifs créera un mur efficace contre les assaillants. Penché sur un premier blessé à la jambe, s’efforçant d’ignorer la panique environnante, il est médusé de n’y avoir jamais songé : la possibilité qu’au moment où ils ont chuté, d’autres – beaucoup moins inoffensifs qu'eux – ont pu remonter. Peut-être volontairement. Peut-être pour prendre leur place.