Un regard en arrière, la bataille fait rage. Tu reconnais quelques personnes qui se battent en première ligne, Isadora au loin, d’autres membres de Caer Hrid avec elle, sans doute. Un petit sourire alors que tu vois Altagracia faire des folies devant le monstre. Elle n’a peur de rien ; contrairement à toi. Tu serres la mâchoire, le goût des petits fours que tu as mangé sans vergogne te donnent la nausée alors que les cris ne veulent pas cesser une seconde.

Et tu n’aurais jamais pensé ça, Meish. Tu n’aurais jamais pensé que ce rêve de vouloir remonter à la surface, que cette volonté de fuir ce monde, puisse mener tant de gens à leur perte ; tant de gens à n’être plus qu’une âme abandonnée aux portes du désert.
Tu es épuisé, Meish. Il y a trop de blessés, trop de gens morts. Il y a trop de hurlements qui résonnent autour de toi. Tu ne peux pas abandonner tes soins, certains d’entre vous sont dans un trop mauvais état. Alors tu te forces, tu utilises ton cristal jusqu’à n’en plus pouvoir. Tu tentes de soigner ceux qui ont des problèmes que tu peux gérer ; tu en fais trop peut-être.
Certainement.

Bientôt, tes muscles t’abandonnent, tu n’as plus l’énergie ni physique, ni morale, de soigner qui que ce soit. Alors tu te relèves de ton dernier patient, tu te mets debout oui. Et tu ne vois pas arriver le danger, car tu as toujours été un peu tête en l’air, peut-être pas si observateur que ça. Ou peut-être ne vois-tu pas la Mort se glisser sous ton nez, car tu n’arrives plus trop à réfléchir ; tes mains te brûlent d’avoir soigner au-delà de tes limites. Tu ne vois pas, non, Isadora, Eirik et Claire se faire ensevelir. Tu ne vois pas non plus les tourbillons de sable qui emportent les tentes.

Et tu as du mal à garder les yeux ouverts, attaqués par le sable qui s’envole. Et tu n’as pas le temps d’aller te protéger près des autres non. Tu n’as pas le temps de fuir, de voir que le danger t’enserre, que la Mort te sourit tendrement. Tu n’as pas le temps de courir, de fuir. Te voilà déjà porté, tes pieds ne touchent plus le sol, et tu te débats, tu tentes d’augmenter la température autour de toi, de créer de l’eau pour lui en envoyé dans le visage. Tu tentes tout cela en quelques secondes, Meish ; mais rien n’y fait.
Alors, la pression se fait plus forte sur ton corps ; des craquements que tu n’aurais jamais pensé entendre. Et bientôt, tes cris de douleur viennent se mêler à ceux des autres. Bientôt, tes hurlements se font de plus en plus forts, alors que le monstre, essoufflé, resserre son emprise sur toi. Des larmes de désespoir ; de douleur parcourent ton visage sali par la poussière du désert.

C’est donc ça, Meish ; c’est donc cette résignation que l’on ressent alors que viennent les derniers instants. Tu l’as compris, je sais, que ton chemin s’arrête là. Tu l’as compris, que tu ne feras rien de plus dans cette vie, que tu ne pourras pas aller plus loin ; car ta ligne de vie s’arrête ici et maintenant.
Une dernière pensée à ces quelques personnes qui ont marqué ta vie. Tu repenses à Isadora que tu ne seras jamais parti voir à Caer, à Altagracia qui ne pourra sans doute plus cacher des araignées dans ta chambre. Tu penses à Laël qui n’était même pas là aujourd’hui, à Germain et vos soirées étoilées. Et, tu as des regrets sans doute aussi, de n’être jamais parti voir ta soeur alors qu’elle habitait à la Vallée, de ne pas t’être pardonné d’avoir abandonné des gens. C’est toujours aux portes de la Mort, que l’on se souvient de tout ce qu’on avait à faire, de tout ce que l’on ne fera pas, et tu le réalises à présent. Un rire étranglé de douleur, peut-être que si tu avais su ce qui allait se passer, tu aurais pris une ou deux coupes de champagne de plus, et sans aucun doute aurais-tu fait main basse sur les mini quiches chèvre-miel. Mais c'est terminé, Meish.

Un dernier soupir ;
Alors, c’est le silence.


RÉSUMÉ : Meish meurt.