Tu devrais pas être là. C’est cette seule réalisation qui te vient en tête alors que tu essaies d’envoyer des boules de feu sur le monstre de trois mètres. T’es pas comme les chefs d’état ou encore comme cette femme armée à qui tu as emprunté le don. T’aurais simplement du écouter ta première pensée et t’enfuir le plus rapidement possible. Et si la réalisation t’était venue un peu plus tôt, t’aurais peut-être pu éviter l’attaque de la créature. Tu ne peux pas esquiver le sable qui vous est lancé dessus et qui te coince d’un coup. Tu ne penses même pas à ceux qui sont avec toi, tu t’en fiches bien au fond. Tu te dis juste que ça t’apprendra à essayer l’aider. T’aurais du laisser les experts s’en charger. Toi t’es une cuisinière, t’es pas une combattante. Quoi qu’il doit être trop tard pour te dire la chose.

Ainsi, ensevelie dans le sable, tu te demandes comment tu peux bien te sortir de là. Tu n’as pas de don utile en ce sens. T’as encore la capacité de faire du feu, don que tu as emprunté, mais tu doutes que ce soit l’idée du siècle dans un espace aussi restreint. T’as déjà les mains brûlées, autant éviter que ce soit pire en te brûlant encore plus. Ta maitrise des plantes ne t’aideraient pas d’avantage, ce n’est pas comme si ça courait le désert. Il faut que tu trouves une solution et vite. Tu n’as surement pas tout ton temps, ta survie en dépendait. Fort heureusement, la militaire a de meilleurs réflexes que toi et c’est grâce à elle que votre prison de sable s’ouvre. Est-ce que tu comprends ce qui vient de se passer ? Absolument pas. Et tu t’en fiches. Tu sais juste que tu comptes pas t’attarder plus longtemps. « Ouais… Merci... » Tu comprends pas non plus pourquoi elle s’est arrêtée en cours de phrase, du moins tu ne le comprends pas immédiatement. Tu captes assez vite lorsque tu relèves le visage pour assister à un spectacle macabre. Ça peut pas être un humain qui se fait écraser comme ça. C’est pas possible.

Ça suffit à te donner un électrochoc. Tant pis pour cette femme que tu devrais très certainement remercier, tant pis pour ces directives sans doute brillantes, tant pis pour tous ceux qui risquent leur vie. C’est pas toi ça. T’as déjà fait plus que ce que tu aurais cru être capable de faire. Tu te relèves rapidement et rebrousses chemin. Tu sais pas où tu pourrais être en sécurité, tu sais même pas si c’est possible, mais tu ne comptes certainement pas t’attarder sur place. Tu commences donc à courir dans une direction quelconque - juste à l’opposée de celle où se trouve la créature humanoïde. Tu ne te serais surement pas arrêté avant de trouver une cachette quelconque si ce n’était d’une voix familière, cette voix que tu reconnais parmi tout le chaos. Moïra. T’es à peu près certaine que c’est ta colocataire qui demande de l’aide. Et si t’étais prête à abandonner tous ces gens pour te mettre en sécurité, t’es pas prête de l’abandonner elle. Tu commences donc à la chercher, gardant tout de même un oeil sur le monstre pour ne pas devenir sa prochaine cible.

Tu la trouves un peu plus loin en train de s’enfoncer dans le sable. Tu retires l’espèce de foulard que tu portais jusque là pour te protéger du sable - ce qui n’a absolument pas fonctionné quand t’as été ensevelie soit dit en passant - et t’essaie de le lancer vers Moïra. « Je te conseille pas de te faire ensevelir, c’est sur-coté. Attrape ça. » Est-ce que c’est le moment de dire n’importe quoi ? Probablement pas. Mais ça te permet d’oublier l’horreur à laquelle tu viens d’assister. « Avoue que t’aurais jamais cru être aussi contente de me voir. » C’est ce que toi tu te dis du moins. T’es contente de la voir (presque) saine et sauve. Puis, par pur égoïsme, tu te dis que comme ça, tu n’auras pas juste sauvé ta peau, t’aurais sauvé quelqu’un d’autre. Faut juste que t’arrives à la sortir de là sans être entrainée dans les sables mouvants à ton tour. Autant juste essayer de la tirer en espérant que ton foulard tienne le coup.   

Orion ne voyait plus rien. Autour, tout s’accélérait et il ne pouvait plus rien faire. La foule tourbillonnait, le sable soufflait toujours de plus en plus fort et les cris ne cessaient jamais. Il avait voulu aider. Mais qu’est-ce qu’un gringalet comme lui aurait-il jamais pu faire de toute façon ? Il aurait dû rester au poste de soin improvisé. Rester avec Narcisse.

A chaque pas que cette montagne monstrueuse faisait, le sable virevoltait un peu plus, sans trembler. C’est peut-être pour cela qu’il ne le vit pas arriver tout de suite. Lorsqu’il le remarqua dans sa vision périphérique, c’était bien trop tard. Il ne cria pas lorsque l’énorme bras heurta son buste.
Peut-être pas réflexe, peut-être par non-abandon, son cristal s’activa une dernière fois. Un bref flash enflammé parcourut le bras du monstre jusqu’à son visage, une seconde seulement. Orion ne sut jamais si ses étincelles avaient atteint leur but (en avaient-elle seulement un) car, bientôt ce fut le noir total.

Il se réveilla une tempe dans le sable, dans un silence relatif. Ou alors était-ce un sifflement ? Il avait la bouche pleine de sable, alors il toussa. Il ne vit pas l’éclaboussure rouge qu’il cracha par la même occasion : sa vision était teintée d’un filtre écarlate.

C’est en voulant s’étendre qu’il se rendit compte qu’il ne pouvait pas bouger. Il avait mal partout. Où exactement ? Respirer faisait mal. Sa tête l’élançait et c’est comme s’il tournait, tout le temps. Il était allongé dans le sable, la tour grondait au loin et petit à petit le noir l’enveloppa de nouveau.

tl;dr : en désespoir de cause et par réflexe, il tente de brûler le monstre à son contact, sans être sûr du résultat et sans même savoir s’il a réussi. Il se fait projeter au loin, s’évanouit au choc, se réveille avec des côtés fêlées, l’humerus, radius et cubitus gauches cassés, les poignets et avant-bras brûlés au premier et second degré à cause de son cristal, une plaie au front et une autre dans la nuque après avoir probablement heurté une pierre. Il tombe de nouveau dans les pommes. Il est pas mort mais soignez-le svp.